Question à Thornike Gordadze, chercheur associé au Centre d’études et de recherches internationales (CERI).
En conflit depuis le 24 novembre, lorsque l’armée turque a abattu à sa frontière un bombardier russe opérant en Syrie, la Russie et la Turquie sont passées à des accusations personnelles, après des sanctions économiques. Moscou a mis en cause le président turc, assurant que sa famille s’enrichit grâce au trafic de pétrole de Daech. La Turquie a rejeté ces accusations, estimant qu’elles sont « immorales », et assuré au contraire que des entreprises russes participent au trafic. Une rencontre entre les ministres des affaires étrangères des deux pays pourrait avoir lieu le 4 décembre à Belgrade.
Thornike Gordadze, chercheur associé au Centre d’études et de recherches internationales (CERI) :
« Aujourd’hui, on est dans la surenchère. La Russie a haussé le ton car elle se trouvait dans l’obligation de réagir. Le régime de Vladimir Poutine a en effet encouragé la montée d’un nationalisme agressif en Russie. Il a laissé croire aux Russes, pour faire oublier d’autres problèmes intérieurs, que leur pays est toujours une des premières puissances militaires mondiales, capable d’intervenir partout, jouant à un niveau égal des États-Unis, et cela d’autant plus que le président américain actuel est décrit comme « faible ».
Dans ce contexte, ayant essuyé un gros revers avec la destruction de l’avion, Vladimir Poutine ne pouvait rester inactif. Il a choisi la voie de sanctions économiques. Mais sa marge de manœuvre reste limitée car la Russie subit déjà l’effet de sanctions européennes. Le commerce entre les deux pays est surtout fait de gaz russe vendu à la Turquie et de produits semi-finis et finis turcs qui sont importés en Russie.
Un conflit qui s’envenime entre deux leaders au style similaire
Or la Turquie peut se passer du gaz russe car elle est entourée de pays qui peuvent l’approvisionner, tandis que la Russie a besoin de trouver des débouchés pour son gaz, au moment où l’Europe veut réduire sa dépendance.
En Russie, on voit que des restaurants turcs ou des entrepreneurs du bâtiment sont visés par les sanctions. C’est le prix que la Turquie risque de payer. Elle devrait aussi accueillir moins de touristes russes.
Recep Tayyip Erdogan et Vladimir Poutine, au fond, sont des leaders qui se ressemblent. Tous deux prennent des décisions de façon très centralisée. Ils ont un style personnel volontariste et autoritaire. Cela explique que le conflit s’envenime, car le président russe se trouve pour la première fois en face de quelqu’un qui pratique le même langage que lui. Mais on imagine mal que le conflit puisse aller plus loin car la Turquie fait partie de l’Otan. Et les États-Unis ne peuvent se désolidariser des Turcs. »
Recueilli par Alain Guillemoles
La Croix
En conflit depuis le 24 novembre, lorsque l’armée turque a abattu à sa frontière un bombardier russe opérant en Syrie, la Russie et la Turquie sont passées à des accusations personnelles, après des sanctions économiques. Moscou a mis en cause le président turc, assurant que sa famille s’enrichit grâce au trafic de pétrole de Daech. La Turquie a rejeté ces accusations, estimant qu’elles sont « immorales », et assuré au contraire que des entreprises russes participent au trafic. Une rencontre entre les ministres des affaires étrangères des deux pays pourrait avoir lieu le 4 décembre à Belgrade.
Thornike Gordadze, chercheur associé au Centre d’études et de recherches internationales (CERI) :
« Aujourd’hui, on est dans la surenchère. La Russie a haussé le ton car elle se trouvait dans l’obligation de réagir. Le régime de Vladimir Poutine a en effet encouragé la montée d’un nationalisme agressif en Russie. Il a laissé croire aux Russes, pour faire oublier d’autres problèmes intérieurs, que leur pays est toujours une des premières puissances militaires mondiales, capable d’intervenir partout, jouant à un niveau égal des États-Unis, et cela d’autant plus que le président américain actuel est décrit comme « faible ».
Dans ce contexte, ayant essuyé un gros revers avec la destruction de l’avion, Vladimir Poutine ne pouvait rester inactif. Il a choisi la voie de sanctions économiques. Mais sa marge de manœuvre reste limitée car la Russie subit déjà l’effet de sanctions européennes. Le commerce entre les deux pays est surtout fait de gaz russe vendu à la Turquie et de produits semi-finis et finis turcs qui sont importés en Russie.
Un conflit qui s’envenime entre deux leaders au style similaire
Or la Turquie peut se passer du gaz russe car elle est entourée de pays qui peuvent l’approvisionner, tandis que la Russie a besoin de trouver des débouchés pour son gaz, au moment où l’Europe veut réduire sa dépendance.
En Russie, on voit que des restaurants turcs ou des entrepreneurs du bâtiment sont visés par les sanctions. C’est le prix que la Turquie risque de payer. Elle devrait aussi accueillir moins de touristes russes.
Recep Tayyip Erdogan et Vladimir Poutine, au fond, sont des leaders qui se ressemblent. Tous deux prennent des décisions de façon très centralisée. Ils ont un style personnel volontariste et autoritaire. Cela explique que le conflit s’envenime, car le président russe se trouve pour la première fois en face de quelqu’un qui pratique le même langage que lui. Mais on imagine mal que le conflit puisse aller plus loin car la Turquie fait partie de l’Otan. Et les États-Unis ne peuvent se désolidariser des Turcs. »
Recueilli par Alain Guillemoles
La Croix
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